dimanche 12 juillet 2015

Deux jours

Aujourd'hui nous avons rendez-vous à midi pour commencer les ateliers photo et cinéma.

Mais avant, je dois faire mon post d'hier pour le blog, hier soir je me suis endormi en moins d'une minute.

Midi arrive vite, mais je n'ai pas terminé.



On arrive à Images for Life, une douzaine d'ados nous attendent, légèrement plus de filles que de garçons.
Comme j'ai travaillé sur le blog jusqu'à la dernière seconde, je n'ai rien préparé.

Julien ne parle que le Français, Christian se débrouille bien en Anglais et  l'Arabe de son enfance se réveille, il parle de plus en plus souvent en Arabe. Je me sers de ses talents pour parler au groupe.

Pendant qu'il parle, je prépare l'intervention, en quelques secondes.

La séance commence enfin réellement. Toutes les filles sont d'un côté, les garçons d'un autre. Les intervenants (nous) sur un autre côté. Julien se lève et part au milieu des garçons. Moi en qualité de "prof", je décide de rester à ma place. Ne pas casser les codes trop vite. Il ne faut pas y aller au marteau piqueur. Christian ne bouge pas.
Mon objectif, de toute façon n'est pas là, nos codes hommes/femmes à nous sont tout aussi ancrés que les leurs, même s'ils sont différents.
Par contre, le but est de ramener deux "produits" artistiques à présenter au retour en France. Là si je veux "casser" du code sur les questions de création artistique, je peux, je suis à ma place en le faisant.

On fait un tour de table trilingue (Arabe, Anglais, Français), la communication est quand même complexe. Seulement 2 jeunes comprennent l'Anglais, Julien ne comprend que le Français.

Mais on y arrive, avec pas-mal d'approximations. A chaque fois qu'une fille parle, les garçons parlent entre eux, ils ne l'écoutent pas, ça m'agace un peu. Je leur demande d'être un peu "gentlemen" et d'écouter. Quand arrive le tour des garçons, il se passe exactement la même chose en sens inverse, les filles parlent entre elles. Je leur demande de l'écoute. L'égalité homme/femme parfaite, dans l'irrespect et la non-écoute ....

Je leur demande ensuite d'écrire sur un papier les images qu'ils imaginent au sujet des mots-clés proposés : Résistance et irrésistible. Avec notre système trilingue, c'est très long de le faire comprendre. Mais je capte surtout, qu'ils n'ont pas l'habitude de travailler comme ça. C'est clair que je bouscule des codes. Ils demandent un délai pour réfléchir. Je le leur accorde, ils doivent amener leurs "productions" pour le lendemain.


Il est 15h, on décide d'aller à Jérusalem. On a envie d'y retourner, hier c'était pas possible, trop chargés.

Nous nous dirigeons à pied vers le check-point. Il y a beaucoup de monde. Un jeune nous explique que l'Aïd approche, que de plus en plus de musulmans Palestiniens vont à l'esplanade des mosquées, dans le vieux Jérusalem. Nous voulons aller au même endroit. Quand nous voyons la queue de plus de cent mètres, on a un moment d'hésitation. Le jeune nous conseille d'aller au point de contrôle des voitures, comme on est Européens, on pourra peut-être passer. On suit son conseil.
Quand on arrive, je me dirige vers un soldat, je tente ma chance. Il n'est pas très cool, ni très "cordial". Il nous refuse le passage, mais nous envoie vers la deuxième partie du check-point. On évite la longue queue.
Dans cette partie du bâtiment, c'est un peu comme dans un aéroport international, sans hôtesses de l'air .... C'est pareil en plus austère ...
Là Julien nous dit qu'il a perdu son visa. La merde. Il le cherche partout. Julien à déjà perdu sa carte de correspondant de presse, un papier assez utile ici. Mais la perte du visa, c'est une autre affaire. Il espère le retrouver dans notre appartement à notre retour ce soir. Si il y a un contrôle de passeport au cheik-point, il ne pourra pas passer. On essaie, on verra.
Premier passage par le contrôle des bagages, scanner, porte de sécurité, plus loin le contrôle des papiers.
Pour un Palestinien, passer en Israël est compliqué, il faut faire une demande au préalable à l'autorité Israélienne. En cette période, les demandes affluent, c'est l'Aïd qui approche, la fin du ramadan.
Il est facile d'anticiper le problème, de mettre des moyens pour permettre un passage sérieusement contrôlé, mais rapide. Arrivés à la deuxième partie du contrôle (celle des papiers) seulement deux bureaux ouverts sur les dix possibles. C'est évident, qu'Israël distribue des autorisations, mais ne met pas les moyens pour réaliser les passages accordés administrativement. Il y aura dans quelques jours 100 fois plus de passages. Des tensions importantes sont prévisibles ....

Arrivé devant la soldate chargée du contrôle des papiers, elle scrute attentivement mon passeport. En moi je pense : "C'est la merde pour Julien, elle va le bloquer". Je passe, elle scrute tout aussi attentivement les papiers de Julien, il passe. Elle n'a rien vu .... Il n'a pas de visa .... Un coup de chance. Mais il reste encore presque trois semaines. On a pas fini de se faire des cheveux blancs. Christian nous rejoint, on prend le bus direction Damascus Gate.

A la porte de Damas, il y a une foule compacte, c'est presque impossible de pénétrer dans la vieille ville. Julien se faufile, il disparait. Avec Christian on essaie un autre passage. Là on apprend que ce n'est que le début, que plusieurs millions de musulmans sont attendus à Jérusalem pour la fin du ramadan, dans quelques jours. Là c'est encore de la rigolade ...

On passe enfin !


On se retrouve trous les trois, on part au Saint Sépulcre. Normalement, les musulmans ne prennent pas cette direction. Effectivement ça se calme. En marchant je reconnais un passage par le secteur Éthiopien, je sais que c'est un bel endroit. On y arrive, on est seuls. Mais la porte qui ouvre sur le Saint Sépulcre est fermée.

On fait une pause au calme.


On fait un petit détour, on y arrive enfin.


Il n'y a presque personne. Le tombeau du Christ est accessible, je décide d'en profiter. Seulement 10 personnes dans la file d'attente. Christian et Julien me rejoignent.


Tout est calme.


Il y a cette maman qui embrasse son bébé tout le long.

Nous nous retrouvons à genoux, devant le corps du Christ. Il y a une certaine émotion palpable. Mais j'en ressort sans changement. La nativité me transporte plus que la mort ....


On part.

On décide d'aller au Mur des Lamentations. C'est la même direction que l'Esplanade des Mosquées. On retrouve la foule.


Pour y accéder, il faut passer un contrôle de sécurité.

Là aussi il doit se passer quelque chose d'important, il y a énormément de monde, autant du côté des hommes que de celui des femmes. Presque tous les hommes ont une chemise blanche, un pantalon noir et un chapeau noir.

J'arrive quand même à prendre cette image.


Lui est habillé autrement.

Je reste un moment, fais beaucoup d'images.

Quand je ressors du site, je vois Julien qui pleure. Il est débordé par les émotions que suscite cette région du monde. Jérusalem ne laisse pas froid.

Je me souviens de la première fois que je suis venu. Entre la situation du conflit Israélo-Palestinien, l'occupation Israélienne en Palestine, les religions, les comportements humains, autant négatifs que positifs, on y laisse forcément des plumes.

On décide de rentrer, il est tard, peut-être qu'il n'y a plus de bus pour le retour.


Passé la Porte de Damas je remarque une très forte présence militaire, bien plus que d'habitude. La stratégie de Israéliens est limpide ; ne pas mettre de moyens pour permettre aux Palestiniens d'aller fêter l'Aïd à Jérusalem, mais mettre tout sur la protection "anti-terroriste".

Nous trouvons facilement un bus.
30 mn plus tard nous sommes revenus en Cisjordanie.

On a besoin de dormir, on est chargés d'émotions. Julien va mieux, Christian a de la fièvre. J'ai l'impression d'être un roc à côté d'eux.

On longe le mur, dans le noir.


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