samedi 11 juillet 2015

Un jour

Le jour le plus long.

Il a commencé la veille à 17h à l'aéroport de Nice.

Embarquement pour Paris, puis correspondance vers Tel-Aviv. Vol sans confort, sans repos, sans sommeil.

A 5h du matin l'avion inconfortable se pose enfin au sol. Les regards sont vitreux et brillants. Mais je suis content, nous sommes enfin en Israël. Il reste un dernier obstacle, la douane.
Il y a deux sortes de douanes dans le monde : Les Israéliennes et les pas-Israéliennes ....

Julien passe le premier, facilement. Puis je vois Christian faire demi tour avec un agent de sécurité, il est dirigé vers une petite salle d'attente spécialement étudiée pour les "visiteurs à problème". Son "problème" ? Il est Français né à Beyrouth .... 5h30 d'interrogatoire ....

Entre temps je passe facilement. Je retrouve Julien il est 5h30 du matin (4h30 en France).
On est libres de l'autre côté.

Manque Christian.


Vers 9h30 du matin, après déjà plusieurs heures d'attente, alors que je prends cette photo, j'entends une voix féminine qui m'appelle par mon prénom, avec mes yeux vitreux et brillants je vois deux jeunes femmes qui me parlent comme si nous étions amis. 
Elles venaient du bureau des "visiteurs à problème", elles avaient passé quelques heures avec Christian (lui y était encore). Deux Françaises nées en Algérie, Léila et Linda.

On sort, on retrouve Julien, on discute, on rigole, elles décompressent. Nous on attend encore Christian. Elles restent avec nous, l'attendent avec nous, c'est aussi devenu leur affaire, solidarité de "prisonniers".

Je reçois un SMS de Christian : "On fouille mes mails, ils savent que vous êtes avec moi".

On décide de quitter l'aéroport, d'attendre à Jérusalem, Léila et Linda viennent avec nous. 

On abandonne Christian !

La navette Tel-Aviv - Jérusalem va partir, je reçois un nouveau SMS de Christian : "Je sort". 
Je sors de la navette pour retrouver Christian, Julien me retient, me dit : "c'est peut-être un piège des douaniers, pour nous trouver". Je relis le SMS et dis à Julien : "Non c'est lui, je reconnais ses fautes d'orthographe."

Ça y est, il est 10h30 du matin, on est tous passés. Christian est avec nous. On est heureux.

Enfin Jérusalem Hôtel, c'est devenu ma pause préférée quand la journée a été dure. Il y fait bon, un lieu luxueux à l'orientale. On est vraiment contents. On sait que maintenant on va arriver à destination.

Là on rencontre Caroline, une Française, elle nous parle d'un autre photographe Français qui fait une expo à Ramallah. Puis d'un centre culturel.


On est dans le bus qui va au check-point de Bethléem, pour rejoindre Aïda Camp.

On est face au mur froid, dur, insupportable. Derrière, c'est la Cisjordanie.
On passe à pied, sans contrôle, il suffit de tendre le passeport Européen, un sésame.

Avant d'y être vraiment, il faut traverser les taxis et les marchands qui nous prennent pour des pigeons. On a décidé d'y aller, lentement et tranquillement, avec nos jambes, une insulte pour les 30 taxis qui guettent le client. 

Une fois cette dernière barrière passée, nous y sommes enfin, entre nous. On sait qu'après 15 mn de marche on sera arrivés.

Je retrouve le mur et ses graffitis. C'est devenu une attraction touristique, autant que la Basilique de la Nativité. Son "décor" est en changement permanent, presque tout ce que j'ai vu en mai 2014 a disparu, il y a d'autres dessins. 

On arrive devant la Banksy's Shop. Je demande des nouvelles de Yamen (un copain guide), je tombe sur son frère, il est heureux que je connaisse Yamen. Il y a avec lui un Arabe qui apprend le Français. Avec Julien et Christian on s’assoit  et on discute. L'ambiance est chaleureuse et pleine d'humour.

Ca y est, je crois qu'on est enfin arrivés en Palestine.


Il reste moins de 10 mn de marche pour arriver à Aïda Camp, plus précisément à Al Rowwad Center. C'est une sorte de MJC dirigée par Abed. On est déjà très fatigués, on voudrait avoir rapidement les clés de notre appartement, poser nos bagages, s'allonger un peu. Il est 13h. Ca fait plus de 24h qu'on a pas dormi. Moi je suis levé depuis 6h du matin la veille.

Quand on arrive on est reçus par Abed, on échange quelques mots de retrouvailles. Murad arrive (il dirige Images for Life, c'est avec ce département du centre que l'on doit faire des ateliers photo et cinéma), il nous souhaite la bienvenue et nous demande de monter à l'étage supérieur. Là un groupe de jeunes nous attend visiblement avec impatience, il ne faut pas défaillir, ni les décevoir, il faut commencer à travailler, à parler des ateliers, des projets et objectifs .... Les yeux vitreux et brillant, je reste professionnel. Au bout de 45 mn environ, je demande à Murad si l'on peut poser nos bagages dans l'appartement, qu'on est un peu fatigués. Il nous propose de nous retrouver le lendemain pour continuer et appelle le propriétaire de notre logis.

On est au même endroit que l'année dernière, exactement là où je me trouvais seul en mai 2014. Il a ouvert une pièce supplémentaire, elle était fermée la dernière fois. On a deux chambres pour trois, le confort.

On est heureux, on se pose enfin.

Il y a une bonne énergie, on fume, on discute, on rit, progressivement la fatigue s'estompe. Finalement, la fatigue passée on réalise qu'on a faim, les repas d'avion ça reste assez minimaliste ... 

Je propose d'aller au Divano, c'est un pub à la mode Européenne, l'année dernière j'aimais y aller, on peut boire ce que l'on veut, même du vin et de la bière et manger. Il y a toujours du monde, des chrétiens et des musulmans, beaucoup de femmes voilées qui fument le narguilé.
C'est l'endroit idéal.

Quand on arrive, c'est presque vide, on est en plein ramadan, aucun musulman, ça fait du vide.

On commande des hamburgers, des bières. C'est le bonheur, là on se sent vraiment bien. On peut même fumer à l'intérieur, on a perdu l'habitude en France.

Mais voilà, des bières et un bon repas sur un grosse fatigue ça fait beaucoup .... On est pris tous les trois d'une envie de dormir presque incontrôlable. Le méga coup de bambou .....

Il est 15h30 environ, trop tôt pour aller se coucher, trop tard pour la sieste.

Dehors le vent souffle très fort en direction du centre ville, une chance à saisir, le vent ça réveille. On décide d'aller vers la nativité. On paie, on sort, il fait presque froid, bien plus qu'à Nice.

En effet le froid plus le vent, ça marche, l'énergie revient.

En marchant on fait des photos, on rencontre des gens, notre énergie revenue, on "fracasse".

Le marché du vieux Bethléem est très animé, c'est deux ou trois heures avant la fin quotidienne du ramadan et aussi le "relâchement", l'envie d'en finir, de faire l'aïd finale.

Je ne peux pas m'empêcher de regarder les femmes ici. Elles sont belles mais froides, "tenues", tristes. Du moins "socialement", en public, dans la rue.


Les mannequins leur ressemblent. Presque le même "regard", la même "beauté", le même "froid".

Vers 20h on arrive à la Basilique de la Nativité. On y entre, presque personne.

L'accès à la grotte de la Nativité est simple. Depuis que je viens ici, c'est la première fois que je vois ça.

On descend, chacun individuellement.

Il y a des Frères.



Une Sœur.


Une sérénité palpable.

Je m'assoie, près de la Sœur et juste à côté du lieu de la Naissance. Je me laisse emporter par la beauté de ce moment. On est seuls, tous les deux, elle et moi.

J'aperçois plus loin Christian et Julien les yeux fermés.

Trois mécréants à la Nativité, touchés par l'énergie de ce lieu non flétrie par les touristes.

Je ressors, je me sens "réparé". C'est difficile à décrire, mais c'est ce que je ressens.

Dehors tout seul, je me sens libre, fort. Heureux.

Je retrouve mes copains. Il est environ 21h, on va boire un verre dans un café. Je prends un Perrier menthe. Aucune envie d'alcool. Je vois une très jolie femme voilée, Julien la remarque aussi (il les remarque toutes ...), on en parle. Avec l'énergie que j'ai emmagasinée, je ne vois aucun problème à aller la voir pour lui demander l'autorisation de la prendre en photo. Elle à le même regard froid et dur qui est le minimum social pour une femme ici. Elle est extrêmement belle, mais pas souriante du tout, elle me regarde approcher avec un regard très dur. Mais gonflé par la Nativité, j'avance quand même et lui fais ma demande (pas en mariage, non, pour la prendre en photo). Et avec le plus beau sourire du monde, et un regard gêné mais droit dans les yeux elle me dit non.

J'étais heureux.

On quitte le bar, on prend la direction du retour, il serait peut-être temps de dormir un peu.

Mais c'est la fin de la journée de ramadan. Tout le monde fume, boit et mange dans la rue. Tous les commerces ouverts, vides avec des tablées partout, des mezzés, des sourires, des "your welcome". On nous invite plusieurs fois, on refuse, c'est assez gênant d'accepter.

De les voir tous manger, ça nous redonne faim. On s'arrête dans un restau qui ressemble à une cantine et on prend des sandwichs falafel. On est au milieu de la fête du soir des musulmans.

Un homme nous parle, il est de Barcelone, il est venu ici pour une activité artistique. J'ai du mal à comprendre ce qu'il dit, il parle Catalan, pas l'Espagnol ni l'Anglais, un peu le Français (mais très mal). Ce qu'il dit est assez confus. Je comprends qu'il part lundi prochain. Il nous montre des photos avec des préservatifs déposés dans des lieux saints chrétiens. Des autocollants ramassés à Ramallah, des colombes de la paix dessinés sur des impacts de balle à Hébron. Il nous laisse ses coordonnées et disparait.

Vers 22h30 on arrive enfin chez nous.

On a l'impression d'être là depuis une semaine ....

Je vais m'allonger, j'ai mon blog à écrire, il est presque 23h.

J'ouvre le couvercle de mon PC, je m'endors.

Des fois, je ne suis pas très réaliste ...

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